Italo-Suisse né à Lausanne en 1969, Joseph Incardona a publié, à partir de 2002, une vingtaine de livres, romans – surtout – et nouvelles. Mais il écrivait déjà depuis dix ans, sans chercher à publier. Il a commencé chez la très bonne éditrice qu’était Delphine Montalant, morte fin 2018, quelques semaines avant son compagnon depuis l’adolescence, le romancier Eric Holder. Puis il a essayé divers éditeurs, avant de se fixer chez Finitude – maison installée près de Bordeaux, ville dans laquelle il a passé plusieurs années. Il a écrit des romans noirs, dont Derrière les panneaux il y a des hommes, Grand prix de littérature policière en 2015 (en poche, Pocket). Et Stella et l’Amérique, Prix polar derrière les murs, 2025 (en poche, Pocket). Le livre qui a précédé Stella et l’Amérique, Les Corps solides (Finitude, 2022) n’a rien de policier – pas plus que celui sorti à l’automne 2025, Le monde est fatigué, finaliste du prix Femina-, c’est plutôt une sorte d’« On achève bien les chevaux » contemporain. On pense aussi au film Le Maître-nageur¸ réalisé par Jean-Louis Trintignant en 1979 avec Guy Marchand. Dans Les Corps solides, comme dans Le Monde est fatigué, Incardona donne toute la mesure de son talent à installer une tension et à faire aimer ses personnages.

Le Monde est fatigué
– Prix Femina des lycéens 2025
– Prix des deux magots 2025

Mais qui est donc cette sirène, qui hante les aquariums, de Genève à Tokyo, de Brisbane à Dubaï, et chez des riches qui veulent distraire leurs invités ? Pourquoi celle qui se prénomme Eve parcourt-elle le monde entier, ce monde « fatigué par le trop plein de désirs » ? Que cache cette queue en silicone qu’elle enfile toujours en secret et qui accompagne sa nage si élégante ?
Pourquoi a-t-elle besoin « de visibilité de se faire connaître. Que son nom circule. Qu’il remonte les méandres de la notoriété afin d’atteindre un lieu précis » ? C’est une femme brisée, et pas seulement physiquement, mais lever le mystère sur ses tourments et sur le final grandiose qu’imagine pour elle Joseph Incardona, serait gravement priver le lecteur du plaisir de la découverte.